La « Ventoline », contrairement aux idées reçues n'est absolument pas le médicament dangereux que l'on pense, et n'est en aucune manière un dopant respiratoire, La méfiance qu'on a à son égard est irrationnelle. En revanche son utilisation répétée traduit une phase évolutive de l'asthme qui requiert qu'on modifie le traitement La « Ventoline » et les médicaments voisins sont auréolés d’une suspicion de dangerosité potentielle; leur action rapide, presque magique interroge elle aussi, et interpelle nos conceptions issues de notre héritage culturel judéo-chrétien La médecine des plantes, véritable contrepoids à notre rationalisation scientifique excessive, paraît elle saine et respectueuse de notre physiologie. La parenté entre ces deux médecines est cependant parfois très étroite : c’est le cas pour la « Ventoline ». Les effets néfastes éventuels sont fonction des doses, qui sont à l’évidence supérieures avec les médicaments qu’avec l’herboristerie !
Dans l’antiquité on traitait avec les plantes lescrises d’asthme :
Des substances proches de la « Ventoline » sont utilisées depuis l’antiquité pour traiter les affections pulmonaires : il y a plus de trois mille ans les chinois utilisaient des infusions d’ephedra sinica, traitement ensuite préconisé par Pline l’Ancien. Cette plante, des régions désertiques du continent asiatique notamment, contient dans sa tige, une substance dont le constituant actif a été isolé en 1887 et alors nommé « éphédrine ». Dans la première décennie du vingtième siècle, on isolait (et précisait la formule chimique) dans la glande médullo-surrénale, une substance appelée épinéphrine ou adrénaline. Cette hormone est remarquable par ses effets aujourd’hui bien connus de « stimulant cardiaque » mais aussi de broncho-dilatation. L’adrénaline assez proche chimiquement de l’éphédrine, s’est alors avérée beaucoup plus active que cett e dernière dans le traitement de l’asthme. Cette remarquable efficacité et sa large utilisation conséquente ont conduit à constater dans les années quarante ses effets « latéraux » néfastes (asthmes mortels) quelque soit la voie d’administration: on parlait alors de véritable toxicomanie. Dans la deuxième partie du vingtième siècle, on découvrait deux catégories d’effet de l’adrénaline : a essentiellement de vasoconstriction globale et b d’accentuation de contraction et « excitabilité » du muscle cardiaques, mais de relâchement des muscles utérins (notamment des contractions lors de grossesses), bronchiques (associé à une augmentation de l’évacuation du mucus bronchique), intestinaux…, puis enfin d’effets b1 et b2, encore plus spécifiques, ces derniers agissant de manière élective sur les bronches et l’utérus et non le cœur. De nouveaux médicaments, « spécifiques » donc des bronches (et de l’utérus), furent alors produits en modifiant partiellement sans trop la modifier, la structure chimique de l’adrénaline: ces traitements que l’on appelle sympathicomimétiques, b2agonistes, b2stimulants sont aujourd’hui largement employés et ont révolutionné la pratique pneumologique, et le confort des asthmatiques. Toutefois dans les années quatre vingts, une « épidémie » de mort d’asthme était rapportée notamment au Canada et en Nouvelle Zélande : elle fut imputée à l’emploi nouveau du fénotérol, produit voisin de la « Ventoline » mais plus puissant, non pas au travers de ses effets cardiaques plus marqués, mais plutôt par son action de potentialisation de la sévérité de l’asthme. Cette situation préoccupante a ravivé considérablement la méfiance à l’égard de ces produits.
Lesb2agonistes masquent l’asthme qui n’est plus alorssuffisamment pris en compte :
Le plus grand défaut de ces traitements, est de faire oublier à l’asthmatique qu’il est asthmatique, favorisant ainsi des comportements dangereux : ces b2agonistes ont une efficacité immédiate sur la broncho-constriction et la sensation d’ «étouffement » qu’elle provoque, phénomène que perçoivent l’asthmatique et son entourage à l’occasion de la « crise » d’asthme (mais aussi de symptômes plus modestes comme la toux). Or, l’asthme est sous-tendu par l’inflammation de la muqueuse bronchique : la crise traduit essentiellement que cette inflammation s’est majorée et n’est plus « tolérable » ; les b2agonistes, par leur action « magique » font négliger ces « signaux d’alerte », et peuvent ainsi parfaitement masquer au patient et son entourage l’aggravation progressive de l’inflammation. Mais un aérosol doseur délivre le médicament à une vitesse d’éjection de l’ordre de 100 km/h, ce qui rend encore plus aléatoire sa pénétration pulmonaire en cas de crise d’autant que l’inquiétude ne facilite pas à ces moments une manœuvre correcte d’inhalation! On arrive ainsi parfois à des situations où ces b2agonistes malgré des inhalations très nombreuses ne peuvent plus agir. On les accuse alors d’être responsables de ces états graves. Or, dès l’arrivée aux urgences, des doses colossales de b2agonistes, soit en nébulisation prolongée soit par voie veineuse, permettent en général une amélioration rapide, qui témoigne alors qu’il s’agissait essentiellement d’une insuffisance de pénétration pulmonaire des b2agonistes au cours de l’épisode d’insuffisance respiratoire, et non de leur inefficacité! Paradoxalement, on assiste alors, sous ce traitement qui entraîne la résolution de cette insuffisance respiratoire aiguë, à la décroissance du rythme cardiaque !
Chez le petit enfant, laseule manière de garantir la pénétration pulmonaire de ces aérosols est l’utilisation obligatoire de« chambre d’inhalation » ou éventuellement de la nébulisation prolongée. L’administration par voie orale (voire injectable) des b2agonistes permet certes d’assurer la pénétration des b2agonistes, mais ceux-ci vont pour être efficaces devoir parvenir au poumon : l’effet sera donc retardé de plusieurs dizaines de minutes par rapport à l’inhalation, et il faut en apporter une quantité bien supérieure (ce qui interroge en raison des effets « latéraux » de ces b2agonistes) ; ainsi une cuiller mesure de soluté de « Ventoline » que l’on administre alors 3 à 4 fois/jour à un nourrisson de moins de deux ans représente pour chaque cuiller dix bouffées de l’aérosol utilisé chez l’adulte ; de plus ce qui est ingéré pénètre dans le corps alors qu’une grande quantité de l’aérosol lorsqu’il est délivré, sera rejetée à l’extérieur du corps et ne s’y déposera donc pas.
Le lieu commun est de penser que la « ventoline » « dope » nécessairement la fonction respiratoire : c’est faux ! Un patient souffrant d’asthme intermittent léger, de loin la forme la plus habituelle, a la plupart du temps et en dehors de tout traitement, une fonction respiratoire, appréciée par la spirométrie, parfaitement normale, et les différents paramètres même les plus sensibles sont incapables bien souvent de montrer dans ce cas la plus petite différence après inhalation de b2agoniste ; c’est évidemment vrai aussi chez le sujet non asthmatique ! Or ce sentiment que tout le monde doit voir son souffle s’améliorer après « Ventoline », non seulement confère à ce traitement une im age de produit dopant, mais aussi banalise son action respiratoire : l’amélioration immédiate (dans les minutes qui suivent l’inhalation) des b2agonistes, qui traduit que le sujet connaît et perçoit en réalité un certain degré d’obstruction de ses bronches. Il n’y a pas de dépendance –telle qu’on la définit pour une drogue- avec les b2agonistes , en dehors de bien rares relations psychologiques pathologiques de sujets particulièrement anxieux. Au contraire, la consommation trop régulière (pluri-quotidienne) est le reflet d’une aggravation de l’asthme que le patient tente de contrebalancer mais en ne considérant que le « symptôme » : véritable « thermomètre » du mauvais équilibre de l’asthme, la consommation régulière de b2agonistes traduit qu’il faut reconsidérer rapidement l’ensemble du traitement ! D’ailleurs il a été établi que la consommation de plus de 1,4 flacon par mois de b2agoniste est un facteur de risque important de mort par asthme !
Leseffets néfastes des b 2agonistes :
Ils sont décrits depuis des décennies et sont fonction des doses utilisées, mais aussi des produits (le fénotérol par exemple, a de ce fait été retiré) et aussi de facteurs génétiques, certains patients y étant plus exposés que d’autres. Dans l’immense majorité des cas, ils sont mineurs et sans conséquence.
La tachycardie, modérée, est assez commune, et tend à s’atténuer avec l’usage répété voire prolongé. Ce n’est que rarement –et essentiellement lors de l’association à d’autres médicaments comme la théophylline- que surviennent des troubles du rythme cardiaque qui puissent représenter un risque réel (et ceci essentiellement chez des sujets au cœur « fragilisé »). Le s tremblements, sont fréquemment rapportés, la susceptibilité individuelle étant dans ce cas très marquée, et la disparition progressive avec l’usage répété, habituelle. Le potassium du sang peut aussi diminuer (hypokaliémie), car les b2agonistes le font entrer dans les muscles. Cette hypokaliémie peut être aggravée par l’utilisation concomitante de cortisone par voie générale (per os , ou injectable) voire dans certains cas de diurétiques (chez des sujets âgés ou en réanimation) et favoriser alors des troubles du rythme cardiaque. Enfin, les b2agonistes peuvent aussi augmenter, du moins au début de leur utilisation, la glycémie (taux de sucre dans le sang), en particulier en cas d’utilisation concomitante de cortisone par voie générale ; ce n’est que dans le cas de certains diabète d’équilibre difficile que cet effet peut demander certaines précautions.
Les b2agonistes longue action comme le formotérol, le salmétérol, et l'indacatérol (leur action pleine dure douze heures voire même 24 heures pour l'indacatérol contre cinq en moyenne contre la « ventoline » dont nous disposons depuis une dizaine d’années ont les mêmes conséquences, mais comme ils sont utilisés en général au long cours chez des sujets souffrant d’asthme persistant, la tolérance à ces effets s’installe.
Qu’enest-il du dopage ?
La presse a depuis plusieurs années énuméré les noms de différents médicaments utilisés par des athlètes qui se dopent. Les b2agonistes en font partie, qu’en est-il · le clenbuterol, administré à des doses considérables et de manière continue sur de nombreuses semaines induit une hypertrophie musculaire recherchée par certains athlètes (par exemple le maillot jaune du Tour de France 2010) : voilà une utilisation bien différente de celle du traitement de l’asthme ! Ce clenbuterol est d'ailleurs largement utilisé pour augmenter la masse musculaire des boeufs avant de les conduire...à l'abattoir! · afin d’expliquer la présence dans le sang de ces produits, ces athlètes prétendent souffrir d’asthme d’effort, et inhalent de manière ostentatoire, devant les caméras, des bouffées de b2agonistes supposés prévenir l’asthme d’effort dont ils ne souffrent souvent pas en réalité · car il est permis à un athlète asthmatique -à condition qu'on ait formellement démontré qu'il a de l'asthme et en souffre à l'effort- d’utiliser ces b2agonistes, mais à dose habituelle, et non excessive –et par là même dangereuse- qui est alors illicite
A côté de ce sentiment de dopage existe aussi le sentiment de dépendance : l’effet « magique » immédiat de ces b2agonistes sur les symptômes de l’asthme, maladie qui dans certains cas se chronicise, fait naître pour le patient et son entourage le sentiment qu’existe une dépendance à ce traitement, sentiment exacerbé par les dépendances (réelles pour des drogues, ou psychologiques seulement comme la « cyberdépendance ») dénoncées quotidiennement par les médias. Si il n’y a pas de dépendance chimique, certains asthmatiques, et même des adolescents, relatent bien leur difficulté à se séparer de leur flacon de b2agoniste, ou de l’absolue nécessité pour eux d’en inhaler le soir avant de se coucher ; ce n’est que rarement qu’en pratique on est confronté à une consommation réellement excessive par dépendance psychique, dépendance qui est plus un mythe qu’une réalité.
Auteur : Jean Luc MENARDO
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Mai 2017
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