Moustiques, abeilles, guêpes frelons: allergie ? Autre réaction?
Les abeilles guêpes et frelons ont la sinistre réputation d’injecter des venins potentiellement mortels . Cette dangerosité est bien réelle, mais toute relative, et il faut distinguer
· la piqûre simple « à la gorge », ou au visage
· l’envenimation massive, plus rare mais grave
· la réaction locale étendue « retardée », sans danger, bien qu’inconfortable
· la réelle réaction allergique vraie, qui interroge par son potentiel réel de dangerosité
Plus fréquentes, les piqûres de moustiques sont en règle bien tolérées, mais, chez l’enfant notamment elles peuvent être sources de réactions inconfortables.
Les réactions aux piqûres d’hyménoptères( insectes aux ailes membraneuses)
constituent un réel problème de santé : aux USA par exemple, le nombre de décès annuels par piqûres d’hyménoptères –abeilles, guêpes, frelons et aux USA et en Afrique seulement, certaines fourmis qui à la différence des nôtres possèdent un dard- est supérieur à celui dû aux morsures de serpents venimeux (nombreux dans ce pays).
L’allergie au venin est bien différente de l’allergie respiratoire : effectivement la dose de venin injectée qui entraîne, chez le sujet sensibilisé, la réaction allergique, est considérablement plus élevée que celle, inhalée qui déclenche chez le sujet sensible rhino-conjonctivite et asthme. Ainsi être allergique respiratoire ne représente pas un risque réellement plus élevé d’être sensible au venin d’hyménoptères que pour la population générale (il ne faut donc pas inventorier un tel risque, sauf si des faits précis amènent à l’évoquer). On est plus proche dans ce cas des phénomènes de l’allergie médicamenteuse. Par contre l’asthmatique sensible au venin pourra en cas de piqûre réaliser alors une crise d’asthme.
La réaction est spécifique de l’hyménoptère auquel le sujet s’est sensibilisé ; et on peut être, en raison de différences dans la composition des venins en protéines, allergique à un type de guêpe sans l’être vis à vis des autres eta fortiori à l’abeille.
La piqûre « à la gorge », ou au visage est douloureuse, et provoque une réaction inflammatoire immédiate,que l’on soit ou non allergique . L’évolution est rapidement régressive, et rarement compliquée, toutefois
· les guêpes qui, à la différence des abeilles (dont le dard arraché avec la glande à venin lors de l’injection demeure ainsi stérile) , utilisent plusieurs fois leur dard pour se défendre, peuvent provoquer une infection locale, qui nécessitera alors application locale d’antiseptiques et exceptionnellement des antibiotiques.
· La piqûre dans des zones (cou, face et paupières notamment) où le tissu cutané est lâche provoque toujours une réaction purement locale oedémateuse intense et souvent durable, ressentie comme dangereuse, mais qui en règle n’est pas inquiétante bien que spectaculaire (œil tuméfié et « fermé ») : cette évolution différente est conséquente à la singularité de cette zone d’injection , et la régression spontanée est la règle et ne nécessite habituellement que des application locales d’antiseptiques et d’anti-inflammatoires : il ne s’agit pas d’une réaction allergique !
· De même, l’injection dans la muqueuse du pharynx voire du larynx (guêpe qui pénètre dans la cavité buccale en mangeant un fruit par exemple) entraîne une réaction oedémateuse intense qui dans ce cas devient dangereuse car elle peut, si elle obstrue les voies aériennes supérieures, provoquer l’asphyxie. Ce cas est exceptionnel, à l’origine de la crainte ancestrale vis à vis de ces insectes, et nécessite la « trachéotomie » pour survivre
L’envenimation peut-être massive en cas de piqûres multiples (une vingtaine chez un petit enfant, plus de cinquante chez un adulte) : la situation est alors comparable à celle que l’on connaît avec d’autres animaux qui injectent du venin (serpents, poissons…) ou certains aliments, la réaction dépendant du toxique. Les hyménoptères dans ce cas peuvent provoquer dans les heures suivantes des lésions rénales et musculaires (cardiaques aussi) potentiellement graves, voire létales, mais que la réanimation permet de guérir. Là encore, il ne s’agit pas de réaction allergique sévère -cf ci-après- , qui elle, survient le plus souvent pour une seule injection, avec une survenue quasi immédiate (en moins de cinq minutes) rendant illusoire l’accès à un service de réanimation.
La réaction locale étendue survient dans les heures qui suivent la piqûre : la réaction inflammatoire locale (douleur, chaleur, rougeur) s’accentue progressivement, et bien souvent s’étend bien au delà du point d’injection pouvant parfois intéresser tout un membre! Elle est relatée par plus de quinze pour cents de la population générale, peut durer plusieurs jours et ne représente aucun danger vital, malgré l’inconfort évident qu’elle génère et éventuellement si l'exposition est fréquente, une réelle altération de qualité de vie. Le traitement anti-inflammatoire, notamment par les corticoïdes par voie générale, est, à l’occasion de telles réactions, le seul adapté. Dans ce cas, quand bien même les tests cutanés seraient positifs, une indication de désensibilisation n’est pas retenue. Ce n’estgrosso modo que dans vingt pour cent des cas que cette réaction locale est le prélude à une véritable sensibilisation avec risque de réaction allergique.
La réaction allergique est bien différente car dans les dizaines secondes qui suivent l’injection et la pénétration du venin à l’intérieur de l’organisme, se produit une libération brutale et généralisée de substances contenues dans les cellules de l’allergie.
Les études réalisées chez les apiculteurs ont permis d’évaluer la cinétique de cette sensibilisation : moins de vingt piqûres par an sont un élément déterminant pour la survenue d’une sensibilisation; plus de cinquante permettent d’induire au contraire une tolérance.
Selon le degré de sensibilisation de l’individu, et son état, les conséquences sont variables, un même sujet pouvant ainsi présenter, selon les moments, une réponse d’intensité très différente et dont il est malheureusement impossible de prédire le caractère!
Les symptômes peuvent aller du simple prurit à distance de la zone d’injection, accompagné ou non d’anxiété voire de malaise, à l’urticaire généralisée avec oedème de Quincke associé à des douleurs abdominales des nausées, de l’oppression thoracique, des vertiges, parfois de la diarrhée, et des signes de gravité (oedème du larynx avec risque d’asphyxie, souvent précédé de raucité de la voix, avec confusion, état de choc avec cyan ose, syncope par hypotension majeure, perte de connaissance et risque de décès, accru chez l'homme par rapport à la femme, mais particulièrement chez les sujets plus âgés, surtout si ils ont des affections cardiovasculaires, et notamment en cas de traitement d'une éventuelle hypertension artérielle par des inhibiteurs de l'enzyme de conversion
Le seul traitement efficace dans cette situation d’urgence est l’injectionimmédiate sous-cutanée d’adrénaline (stylo auto-injecteur ANAPEN )que le sujet peut lui même aisément réaliser grâce à des auto-injecteurs. Effectivement les corticoïdes, même injectés, n’agissent qu’après plusieurs minutes, de même que les antihistaminiques, et n’ont d’intérêt que pour réduire la phase retardée de cette réaction, avec asthénie parfois intense et prolongée (plusieurs jours).
Le risque de récidive pour un adulte est de l’ordre de trente à soixante dix pour cents.
Le diagnostic repose essentiellement sur les tests cutanés, réalisés en milieu spécialisé , en intra-dermo réaction et si possible au moins six semaines après la réaction allergique. Le test cutané est dans l’ensemble plus sensible que le dosage sanguin des IgE,
La désensibilisation, par injections sous-cutanées d’extraits purifiés de venin, induit la production d’anticorps protecteurs les Ig G4. C'est un traitement délicat avec un risque de réactions parfois importantes puisqu’on injecte le venin à doses progressivement croissantes: l’induction est donc réalisée à l’hôpital sous surveillance, puis éventuellement poursuivie par le médecin de famille à son cabinet. L’indication de ce traitement répond à des critères diagnostiques bien codifiés par des recommandations internationales.
A terme, cette d ésensibilisation est remarquablement efficace avec une protection supérieure à quatre vingt dix pour cent des cas. Il doit être prolongé au moins 3 ans, car sinon le risque de perte de protection à l'arrêt est de 30% contre 3% dans le cas d'un arrêt à 2 ans. Après cinq ans de traitement régulier d’ injections au moins mensuelles, on l’arrête si les tests cutanés sont devenus négatifs, car l'extinction (négativation) des tests cutanés d'allergie au venin est un excellent argument d'arrêt de la désensibilisation: le risque de réaction en cas de nouvelle piqûre n’est que de cinq à dix pour cent (contre vingt cinq à soixante dix si les tests cutanés demeurent positifs) et ce bénéfice se maintient ensuite durant dix ans dans plus de quatre vingt cinq pour cent des cas. Un profil génétique particulier permettra peut-être de prédire les chances de succès de cette désensibilisation. Un suivi régulier par l’allergologue est nécessaire.
Les réactions intenses lors des injections de désensibilisation et les échecs sont essentiellement le fait de l’allergie au venin d’abeille. Il est vraisemblable que des extraits nouveaux issus du génie génétique diminueront ces échecs. Leur nombre élevé doit amener à la prolonger plus longtemps (5 ans au moins.)
La désensibilisation par voie sub-linguale s'est imposée depuis quelques années dans le traitement de l'allergie respiratoire pour laquelle son efficacité est bien établie: elle est alors réalisée par le patient lui même à son domicile, grâce à une quasi absence de réactions. Il paraissait séduisant de l'utiliser dans l'allergie aux venins d'hyménoptères, mais les études actuellement réalisées ne démontrent qu'une efficacité insuffisante, excepté peut-être pour ce qui concerne les réactions locales étendues, qui ne constituent pas actuellement, en raison de leur absence de dangerosité, une indication de désensibilisation.
Le comportement immunologique de l’enfant, face à cette sensibilisation diffère de celui de l’adulte: il perd fréquemment et spontanément sa sensibilisation, si bien que l’indication de tests cutanés et de dosages d’IgE n’est retenue que si il a présenté des réactions intenses (un prurit et/ou une urticaire généralisés ne sont pas une indication) eta fortiori la désensibilisation ne doit être que rarement retenue avant l’âge de seize ans.
Dans tous les cas, des précautions de vie sont nécessaires : dépister et détruire éventuellement avec un professionnel les nids d’hyménoptères autour de l’habitation, ne pas écraser d’hyménoptère, éviter les habits colorés, et les parfums qui les attirent, ne pas marcher pieds nus à l’extérieur, mais aussi porter au printemps et en été, lorsqu’on est à l’extérieur des gants, des casquettes, des habits à manches longues et des pantalons longs, et enfin éviter les pics-niques..
Il est nécessaire aussi d’apprendre quand et comment utiliser l’auto-injecteur d’adrénaline.
Les réactions aux piqûres de moustiques
La salive que le moustique injecte, de façon indolore, cause fréquemment des réactions locales (cutanées au point d’injection) et quasiment chez tous les enfants mais très exceptionnellement des réactions généralisées (malaise, urticaire généralisée, fièvre…).
La réaction immédiate d’oédème et érythème est due à la présence d’anticorps de l’allergie (IgE) contre certaines protéines salivaires. Les ré actions retardées -dans les heures et jours qui suivent- s’expliquent dans leur grande majorité par l’afflux de globules blancs éosinophiles au niveau de l’injection, et/ou de lymphocytes. Parfois la réaction inflammatoire est intense, avec de véritables nodules enchâssés dans le derme, déformant de manière impressionnante la zone piquée . Cette affection bien que parfois spectaculaire est bénigne.
L’utilisation préventive de médicaments anti-histaminiques réduit habituellement ces réactions qui nécessitent parfois le recours à la cortisone par voie orale.
On a pu démontrer qu’en quelques semaines- les sujets piqués régulièrement par un type de moustique acquièrent une tolérance face à ce moustique : cela explique que l’enfant réalise tout d’abord des réactions, puis perde progressivement spontanément sa sensibilité.
Par contre la diversité des moustiques explique que ces réactions « récidivent » ensuite si le sujet est soumis à des moustiques qu’il ne connaissait pas ! Dans l’ensemble toutefois, les 3 espèces les plus répandues (aedes aegypti, aedes vexans et culex quinquefasciatus) sont très voisines sur le plan de l’allergénicité : la protection obtenue contre l’une protège ainsi contre les autres.
Comme pour les hyménoptères, le corps écrasé de moustique contient peu de protéines salivaires : il n’a donc pas d’intérêt pour une désensibilisation, mais dans l’état actuel demeure le seul extrait dont nous disposions en clinique. Effectivement, il est très difficile -en dehors de la recherche- de réaliser des extraits commerciaux de salive de moustique que ce soit pour le diagnostic ou pour le traitement : la désensibilisation ne peut donc être envisagée ; heureusement dans l’immense majorité des cas, l’enfant « se désensibilisera spontanément » au fur et à mesure des piqûres…et de plus des progrès sont proches dans l’industrie pharmaceutique !
Reste enfin le lien possible -mais heureusement exceptionnel - de certaines de ces réactions retardées très intenses accompagnées alors de ganglions, avec l’infection par le virus de la mononucléose infectieuse.
Auteur : Jean Luc MENARDO
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Avril 2013
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